Calais, sous la rocade qui mène au port de Calais, au pied de l’ancienne «Jungle», janvier 2017
La « Jungle » de Calais a été démantelée en octobre 2016, mais les barbelés sont restés.
APRES LA JUNGLE
Calais est connue pour sa position géographique stratégique face à l’Angleterre. Elle constitue à la fois un enjeu économique pour les deux pays et le lieu de toutes les crispations autour de la question migratoire au Nord de l’Europe.
La ville est moins célèbre sur les sujets environnementaux.
Pourtant, tous ces sujets sont entrelacés indéniablement. L’ancienne grande « Jungle » a été démantelée en octobre 2016 et rapidement nettoyée, défrichée par le Conservatoire du Littoral, missionné pour suivre le chantier de « renaturation » sur ce site dit de « la Lande ».
Cinq ans après le démantèlement du bidonville, les vestiges des anciens habitants ont disparu, la végétation a repoussé, des hirondelles se sont installées dans la falaise reconstruite et d’autres oiseaux migrateurs profitent de ce nouvel espace naturel protégé. Des chevaux mangent paisiblement là où, dans l’ancien centre de vacances J. Ferry, était proposé un accueil pour femmes et enfants et un accès à des douches.
Depuis 2017, je documente les transformations que subit ce lieu, année après année. J’ai observé et photographié le nettoyage, le désamiantage, la destruction et la « renaturation ». En à peine 18 mois, le site naturel était sorti de terre et inauguré en juin 2018, en toute discrétion, avec une presse triée sur le volet. Naïf les premiers mois, enjoué ensuite par un tel projet de protection de la nature, j’ai très vite été conscient de l’ironie que représentait cette situation face à la présence des politiques le jour de l’inauguration et la rapidité de l’aboutissement de ce projet de « renaturation ».
Selon une analyse menée par l’ONG Statewatch, la renaturation confiée au Conservatoire du Littoral ne possède que l’illusion du «naturel». La décision de privilégier des aménagements (dunes, fossés, plans d’eau…) et des espèces végétales rases a été prise dans le but d’empêcher l’accès au site et des « réinstallations », comme l’a souhaité le ministre de l’Intérieur français en mars 2017, Bruno Le Roux : « J’ai voulu être à Calais aujourd’hui pour voir que le démantèlement va maintenant se poursuivre avec un projet ambitieux de retour à la nature. Pour que cela profite à l’environnement et surtout pour s’assurer qu’il n’y aura pas de nouveaux campements à Calais. »
L’auteure de cette analyse confirme le cynisme du retour à la nature de ce lieu que j’ai ressenti, perçu, observé et photographié: «L’environnement doit être compris comme une technologie de formation et de conservation du territoire, façonnant la zone frontalière pour être hostile à certains, invitant à d’autres.»
Calais, ancienne « Jungle », ancien emplacement du Centre d’Accueil Provisoire, janvier 2017
L’ancien « centre d’accueil provisoire » du camp de migrants figurait à cet emplacement.
En février 2017, les conteneurs ci-dessus ont été retirés.
Calais, une des entrées de l’ancienne « Jungle », mars 2017
Cette porte fut une des entrées du camp, située sur le secteur « sud » de la Jungle. Aujourd’hui, elle a disparu.
Calais, ancienne « Jungle », ancien emplacement du Centre d’Accueil Provisoire (CAP), mars 2017
Des conteneurs gérés par l’association La Vie Active avaient été installés sur cet emplacement du site pour servir de Centre d’Accueil Provisoire des migrants. Ils ont été retirés en février 2017.
Calais, ancienne « Jungle », au milieu de l’ancien campement, janvier 2017
Au milieu de ce terrain, une chaise retournée, là où existait encore quelques mois plus tôt école, commerces, lieux de culte.
Calais, ancienne « Jungle », décembre 2017
Le long du "chemin des Dunes", les travaux de "renaturation" du site sont en cours. Le lieu va être réaménagé pour devenir un "site naturel d'exception". Des dunes sont en cours de reconstitution, pour remplacer le souvenir du bidonville.
Calais, ancienne « Jungle », décembre 2017
Au pied de la rocade, l'accès à l'ancien site est condamné, seuls les engins des équipes dédiées aux travaux sont autorisées à passer pour déblayer la terre, détruire les accès bitumés afin de "renaturer" le site.
Calais, ancienne « Jungle », mars 2018
L'ancien "centre d'accueil provisoire" du camp de migrants figurait à cet emplacement. Les travaux de renaturation du site ont laissé place à une dune en cours d'aménagement, des barrières et un observatoire ornithologique au sommet de la dune.
Calais, ancienne « Jungle », décembre 2017
Les travaux de "renaturation" du site nécessitent du déboisement avant de reformer de nouvelles dunes par l'apport de sable extérieur.
Calais, ancienne « Jungle », chemin longeant la rocade, janvier 2017
Calais, ancienne « Jungle » - nouveau site naturel protégé, aout 2018
Sur le site protégé destiné aux oiseaux (migrateurs pour une partie d’entre eux), une roselière a pris place sur un des plans d’eau.
Calais, ancienne « Jungle », août 2018
La saison estivale est en cours. L’observatoire ornithologique est désormais entièrement accessible au public. Les visiteurs peuvent s’y rendre pour observer les oiseaux migrateurs présents sur le site naturel protégé.
Calais, ancienne « Jungle » - nouveau site naturel protégé, juin 2018
L’ancien centre de vacances Jules Ferry, devenu centre d’accueil provisoire pour femmes et enfants lors de la crise migratoire, a été désamianté et rasé. Aujourd’hui y figure désormais un espace vierge et une promenade sur pont de bois qui mène à la Batterie Oldenburg, blockhaus vestige de la Seconde Guerre mondiale.
Calais, ancienne « Jungle » - nouveau site naturel protégé, août 2018
Sur le site protégé destiné aux oiseaux, un couple de cygnes s’est installé, à proximité de la roselièe et des dunes réaménagées. Ils se sont même reproduits sur place.
Le toit de la Batterie Oldenburg, blockhaus vestige de la Seconde Guerre mondiale, est désormais accessible, transformé en belvédère.
Le visiteur peut admirer la Manche et apercevoir le Royaume-Uni d’un côté, tandis que de l’autre son regard porte sur l’ancienne Jungle transformée en réserve naturelle destinée aux oiseaux.
Calais, ancienne « Jungle », à proximité de l’ancien Centre d’Accueil Provisoire, août 2019
Le Conservatoire du Littoral a implanté un troupeau de moutons juste en face du nouveau site naturel qui a remplacé l’ancien camp de migrants surnommé la « Jungle », inauguré peu avant l’été 2018.
Calais, ancienne « Jungle », sur le terrain de l’ancien Centre d’Accueil Provisoire, août 2019
Après avoir implanté un troupeau de moutons à proximité, le Conservatoire du Littoral a poursuivi l’aménagement du nouveau site naturel. Quatre
chevaux vivent désormais dans un très large enclos qui occupe 50% de l’emplacement de l’ancien camp de vacances Jules Ferry devenu Centre
d’accueil provisoire de jour lors de la crise migratoire. Les barbelés en arrière-plan protègent toujours la rocade de toute intrusion.
Calais, ancienne « Jungle » - nouveau site naturel protégé, août 2019
Sur le toit de la Batterie Oldenburg (blockhaus vestige de la Seconde Guerre mondiale), on peut profiter du belvédère aménagé en 2018. La vue y est plongeante sur la végétation, la Manche et ses ferries et cargos de passage. Un chemin sentier du littoral mène les passants sur le sable, face à la mer. En haut du belvédère, dans le dos du visiteur, figure l’ancien camp de migrants surnommé la «Jungle»
Calais, dunes aux abords de l’ancienne « Jungle » - nouveau site naturel protégé, août 2020
Derrière le blockhaus, végétation, puis dunes mènent à la Mer du Nord. Caché dans les dunes, un canot pneumatique crevé (type Zodiac) et une pompe de gonflage abandonnés. Les camions ont été délaissés par les migrants, trop surveillés par la police française et la douane anglaise.
Depuis plus de 18 mois de nombreux passages de migrants réussissent par la mer et sont privilégiés par les réseaux de passeurs
Calais, ancienne « Jungle », à proximité de la rocade - nouveau site naturel protégé, février 2021
Plus aucun migrant ne vit sur l’ancienne Jungle depuis 2017, mais le lieu est toujours entouré de barbelés et surveillé par des CRS. Les conditions de vie en extérieur (tentes) sont rudes pour les exilés, comme la neige durant cet hiver 2021, pourtant rare aussi près du littoral. Malgré les difficultés rencontrées, les démantèlements réguliers de camps installés à quelques kilomètres, les candidats au passage en Angleterre restent toujours nombreux.